Les femmes et les sports extrêmes
À l'occasion du Festival International des Sports Extrêmes qui se tenait à Montpellier, les sportives Maeva Lanier et Élodie Gilbert m'avait fait part de leur participation. C'était l'occasion pour moi de proposer à l'association Osez le Féminisme de réaliser un reportage sur la place des femmes dans les sports extrêmes et ainsi participer, à ma modeste position, à l'encouragement de sa pratique par d'autres. Après avoir obtenu de la part des organisateurs un passe pour la presse, j'ai demandé à l'association féministe si elle n'avait pas parmi ses adhérentes une journaliste. C'est avec elle que nous avons réalisé le reportage ci-dessous :
Sous les feux de la rampe
Du 28 mai au 1er juin, près de 2000 sportives et sportifs, amateurs ou professionnels se sont affrontés pour la 18e édition du Festival International des Sports Extrêmes
(Fise) à Montpellier. Sur la cinquantaine de compétitions programmées,
six étaient dédiées aux femmes. Malgré une évolution, la place des
femmes dans les sports extrêmes reste encore confidentielle.
Les
berges de la rivière du Lez à Montpellier sont noire de monde. Le
Festival international des sports extrêmes draine un public nombreux sur
ces quatre jours de compétition où amateurs et professionnels
s’affrontent, notamment sur des modules imposants qui constituent le
skatepark.
Une heure de programmation importante
Sur
la cinquantaine de rendez-vous programmés, six ont la dénomination «
Girl », c’est-à-dire exclusivement réservés aux filles. Historiquement,
la participation féminine au Fise remonte à 2008, avec la première
catégorie « Roller Girl ». « Au début, elles faisaient la compétition
avec les hommes ou les moins de 12 ans. Comme elles étaient peu,
difficiles d’ouvrir une catégorie spéciale », précise Precilia Verdier,
co-fondatrice de l’association Roll School
à Montpellier. La jeune femme de 28 ans, pratiquante de roller depuis
dix ans, connaît bien cette problématique, elle en a fait son sujet de
mémoire.
Côté
organisation, on constate une évolution positive. « Avant, les filles
étaient programmées le matin, témoigne Anne-Cécile Amirault, responsable
communication au Fise depuis huit ans. Une heure peu propice… » Elodie
Gilbert, skateuse de 20 ans, confirme : « L’an dernier, on était en même
temps que les BMX pro et personne ne nous regardait. Cette année, on
est passée après les BMX pro, donc il restait un peu de public pour nous
regarder. »
La force du spectaculaire
Malgré
une meilleure prise en compte des femmes côté programmation et
horaires, comment expliquer que le public boude encore les compétitions
féminines ? « On prend moins de risques que les garçons, on s’envole
moins haut même si en technique, on fait les mêmes choses », souligne,
avec insistance, Maeva Lannier, jeune skateuse de 18 ans. Qu’elles
pratiquent le BMX, le roller ou le skate, toutes constatent que les
hommes sur les rampes « envoient » des figures et des sauts
spectaculaires remportent l’adhésion du public. « On reste plus souvent
au sol, on touche moins de modules que les garçons. On fait moins de
cascades », admet Elodie Gilbert. Et pour les sponsors et les médias, le
côté spectaculaire est vendeur. « Dans les skateparks, ce que va
proposer une fille va être moins grandiose que les hommes. Or, le peu de
médias ou sponsors qui sont dans ces sports s’intéressent au
spectaculaire », confirme Rémi Dupeloux, président de la commission Freestyle à la fédération de roller.
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« Sports d’hommes », « sports de femmes »
«
Un milieu d’hommes », « un sport d’hommes »… Elles sont nombreuses ces
petites phrases à revenir dans les discussions. « On a tendance à
comparer les hommes et les femmes dans leurs pratiques sportives, et on
arrive à des pratiques genrées : la danse pour les filles, le football
pour les hommes », regrette Precilia Verdier.
Les
sportives du Fise ont quasiment toutes essuyé ce type de remarques
stéréotypées. Dans les skatepark, pas forcément des insultes mais du
mépris, et la désagréable impression de ne pas être à sa place. Jusque
dans leur famille pour certaines. « Ma mère me soutient mais a plutôt
peur, explique une jeune. Un jour, elle m’a dit : « Tu ne peux pas
plutôt faire un sport de fille comme la danse ? ». Mais pour la
sportive, le roller n’a rien d’un sport d’hommes. « Je me définis comme
un garçon manqué dans le sens où dans ce sport il ne faut pas avoir peur
de se casser un ongle », ironise-t-elle.
Remarque
identique pour Alexia Dejoie, sur un BMX depuis dix ans : « Mon père
voulait que je sois une fille normale, que je fasse de la danse. Mais,
en danse on peut se blesser pareil », sourit-elle. Globalement, les
parents semblent tout de même soutenant. Pour Isabelle, par exemple, la
mère de Maeva, il n’y a jamais eu d’inconvénient à ce que sa fille
pratique le skate : « Maeva s’est toujours défendue pour dire qu’il n’y
avait pas de différence, une fille peut faire pareil qu’un homme. Et je
suis d’accord. »
Un
argument confirmé par Kevin Dubus, 31 ans et professeur de roller à
Gignac dans le cadre de l’association Roll School : « Les filles ont
leur place. Certains pensent qu’elles sont moins athlétiques. En
réalité, on a les mêmes envies et on souffre pareil lorsque l’on chute.
Je trouve même que les filles se plaignent moins que les hommes. »
Le prix de la différence
« Au
Fise, en roller, on gagnait du matériel. Les garçons, même amateurs,
remportaient de l’argent », constate Lisa-Marie Authié. Precilia Verdier,
de Roll’school, nuance : « Les sportives ne sont pas assez nombreuses.
Il existe une catégorie « girl » sans différence entre pro et
amateur. Les organisateurs ne peuvent pas faire gagner le même prix aux filles
et aux hommes avec ces différences de niveau. »
Anne-Cécile Amirault, responsable communication du
Fise, confirme : « Pour faire venir certains rideurs pro, nous avons un budget de
partenaires à répartir. Ce serait très bien d’avoir des partenaires pour les
catégories féminines où l’on pourrait augmenter les price money. Mais malgré
une évolution, la part des sponsors exclusivement féminin reste faible. »
Depuis quelques temps, une marque, notamment sur les compétitions de roller,
met en place des price money équivalents entre hommes et femmes, lorsque le
nombre de sportifs et sportives est équivalent. Une pratique encore rare.
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Au skatepark, « la loi de la jungle »
Les
sportives sont unanimes : pas facile de trouver sa place au skatepark. « Lorsque
je suis allée dans un skatepark, les premières fois, j’entendais les garçons me
dirent que je n’avais rien à faire là », souligne Alexia Dejoie,
pratiquante de BMX. Maeva, skateuse, confirme : « On peut ressentir un
certain mépris des hommes. Mais une fois que tu leur montres ce que tu sais
faire, que tu t’imposes, alors le groupe devient comme une famille. »
Une famille qui lors des compétitions et des
entraînements se dispute pourtant la place. Et une fois de plus, les filles
doivent se battre. « Sur le Fise, lors de l’entraînement, c’est un peu la
loi de la jungle, explique Elodie Gilbert, skateuse. Les garçons nous
coupent nos lignes et c’est difficile de
s’insérer. » Cette année, suite à la demande de plusieurs rideuses,
l’organisation a réservé le skatepark durant 45 minutes exclusivement aux
filles.
La Muse Sportive inspirée par les sports extrêmes
En
octobre 2013, cinq étudiants, quatre filles et un garçon, de l’université
Montpellier II créent l’association La Muse Sportive. Objectif : organiser,
pour la Journée des droits des femmes, un événement sur l’égalité et la mixité dans
le milieu des sports extrêmes.
« Roule
ma poule » investit donc le campus le 13 mars 2014 avec démonstrations de
roller, BMX et skate. Vingt sportifs pro ou semi-pro, dont quinze femmes, se
relaient sur la rampe. Sarah Pelegrin, 21 ans et co-fondatrice de La Muse, le
reconnaît : « Les inégalités dans le sport sont criantes. Les hommes semblent
porter un discours d’égalité souvent peu suivi d’effets. D’un autre côté,
certaines femmes se plaignent d’être peu considérées, mais pour moi, elles sont
encore bloquées dans les schémas que nous impose la société. »
Aujourd’hui, La Muse Sportive est en sommeil. Mais
pour Sarah, le combat doit être quotidien. « Je ne me verrais pas dans une
association féministe car le militantisme et ses extrêmes peuvent me faire
peur. Mais la lutte doit se construire aussi en dehors du milieu
associatif. »
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Marie-George Buffet : « Le sport, un combat politique »
Ministre
de la Jeunesse et des Sports de 1997 à 2002, Marie-George Buffet livre son
regard sur la place des femmes dans le sport. Avec pour conviction première que
les pouvoirs publics ont leur rôle à jouer.
Lors du FISE à Montpellier, on a pu entendre : « Le skate est un sport d’hommes. » Que vous inspirent ces propos ?Ce vocabulaire donne à voir toute l’immensité de la discrimination dans les pratiques sportives, et pas uniquement dans ces sports.Comment lutter contre ce type de discriminations ?Il existe plusieurs leviers. J’ai rencontré des professeurs d’éducation physique et sportive qui n’étaient pas volontaires pour faire jouer les filles au foot par exemple. La prévention dans le milieu scolaire est donc fondamentale. Ensuite, les fédérations doivent favoriser et surtout valoriser les pratiques féminines.Pourquoi existe-t-il un tel manque de visibilité du sport féminin ?C’est avant tout un manque de médiatisation ! Le sport féminin ne représente que 7% dans les médias. Or, si on donne à voir du beau spectacle de sport féminin, on donnera aussi envie aux petites filles de pratiquer et on apportera au public un autre regard. A Roland-Garros, la finale femme est tout autant suivie que la finale homme.Dans des compétitions de haut niveau comme les JO, certaines femmes sont autorisées à pratiquer voilées. Qu’en pensez-vous ?Ce sont des règles édictées par les fédérations internationales. Mais sur des règles sportives, l’Etat ne peut rien faire. Par contre, les pouvoirs publics ont le devoir de faire pression : il faut que la parole publique s’exprime sur ces questions. Le sport est un combat entièrement politique.Vous avez déclaré que « la pratique féminine sportive devait être une priorité transversale. »Le sport, c’est le rapport au corps. On touche toutes les problématiques liées aux droits des femmes. Nous sommes dans une société au discours conservateur où le rôle de la femme dans la famille est encore de procréer et d’élever les enfants. Or pour faire du sport, il faut de la disponibilité. Comment conjuguer vie professionnelle et activités sportives si la femme est réduite à ce rôle…La lutte de la visibilité des femmes dans le sport, c’est un combat contre la domination patriarcale, comme dans d’autres domaines. Par exemple, une licence dans un club a un coût. Pour une famille modeste, on va privilégier l’inscription du garçon car on estime qu’il doit faire du sport pour se canaliser. La fille, elle, est plus sage elle peut rester à la maison. Ce sont tous ces stéréotypes qu’il faut remettre en cause.
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